longtemps je t'ai aimée
bien à l'abri de mon propre univers
je m'élevais dans une cage de verre
où l'âge et le temps n'avaient plus d'importance
j'avais enfin des ailes pour sentir
et un cœur pour voler
longtemps je t'ai priée
je t'ai gardée comme ma petite chose au fond d'un pot de terre cuite
un grigri au milieu des secrets trembleurs de mon enfance
tu étais ma religion ma plus simple intimité
j'étais le plus pieux de tes fidèles
longtemps je t'ai espérée
longtemps j'ai cru au délicieux mensonge
chaque matin je m'éveillais sous un manteau de pierres
que je trainais comme le fantôme de mes illusions
et chaque soir je rêvais aux merveilles qu'il nous faudrait connaître
aux miracles à apprendre de l'autre
mais le temps le temps me jeta au bas du mur
un jour que je ne t'attendais plus
un jour le hasard de la vie a mis nos mondes face à face
et sitôt j'ai su que rien ne ressemblerait plus à l'ancien mensonge
vue un jour aussitôt aimée
en une fraction de temps se joue tout le mystère
ainsi que la bourrasque emporte le château de carte
j'ai malgré moi percé la vérité suprême
dans les mirages de la cristallisation
qu'as-tu fais donc de moi qui ne te savais pas
moi qui tremblais de te trouver une image
moi qui tremble encore de te voir si petite
ma petite géante aux mains de monde aux joues de ciel aux yeux d'univers
qu'as-tu fais de moi