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Prologue

Il se doit d'être dit, avant la lecture de cet essai sur ma croyance personnelle et actuelle, que toute conviction spirituelle est par essence aléatoire, trop fermée et éphémère.
L'athéisme et la croyance sont deux convictions aussi frêles que contingentes.
Nul ne peut prétendre être athée ou croyant pour le restant de ses jours.
Aussi comprenez que le texte suivant ne vise qu'à expliciter mon ressenti, ma position actuelle, dans la période de pseudo-stabilité spirituelle dont je profite pour en dévoiler les mystères. Une position, je le sais, vouée à évoluer.
L'avenir nous dira dans quel sens.




I.

On oublie trop souvent, à considérer l’athéisme comme une unique doctrine, sa dimension plurielle. Il n’est pas d’athéisme, il est des athéismes, du moment où il se définit par le refus de toute force divine transcendante et dominatrice, quand bien même elle se pourrait être d’une aide bénéfique ; dès lors, l’athée se classe parmi ses semblables selon son rapport au monde religieux en général.

Il faut tout d’abord délimiter l’athéisme, parmi les « libre-pensées » - comme les nomme Hugo. Athée, je ne crois pas ; mais ma position se refuse aussi à toute généralisation pouvant la lier avec les autres pensées « fuyant Dieu », entre autres : l’agnosticisme, dont la faiblesse apparente tient en son indécision alors que l’athée est ferme dans sa conviction ; mais aussi l’antithéisme au sens de combat contre la religion. Tâchons d’être plus explicite sur l’athéisme que je veux ici présenter.

Il me faut expliquer en premier lieu certaines des raisons de mon refus face à la religion. Je ne refuse en rien certains principes de religions se retrouvant dans mon propre credo : aider son prochain, aimer ses frères, par exemple, principes symbolisant l'humanisme chrétien, se retrouvent sous leur version laïcisée dans mes convictions. Mais premièrement, je refuse toute catégorisation, toute appartenance à un groupe de pensée spirituelle, car je juge que le spirituel est propre à chacun, et ne saurait être résumé par et pour plusieurs, et que cela serait un asservissement de la pensée, contraire à mes besoins de liberté. Deuxièmement, le fait de n'avoir qu'une interprétation possible des mythes de la religion (celle dictée par les institutions religieuses) ma paraît être également une attaque à la liberté de pensée individuelle. Enfin, je rejette la religion, car elle impose un certain déterminisme et un finalisme contraires à ma vision de monde, à la part infinie de hasard qui lui est conféré.

Mon athéisme se veut baser sur le fait que je ne crois pas en Dieu car je n’ai pas besoin de Dieu. Ceci ne me confère en rien l'allure d'un surhomme, d'un être plus puissant que les croyants ; je réclame juste d'affronter moi-même toute la difficulté de ma condition, prêt à m'y perdre, et je rejette ainsi un peu plus loin le déterminisme et le finalisme religieux en prenant moi-même mes décisions et mes difficultés à bras-le-corps. Si Dieu est considéré comme une force « métronome » du Monde ou comme celui vers qui se tourner face à l’absurdité de l’existence, je tire deux conclusions d’athée : premièrement, je ne suis pas croyant, car ma révolte face à l’absurdité de l’existence n’a pas besoin de Dieu pour se prendre source : je me sens de force à affronter l’absurde sans le paravent divin – c’est ma conclusion personnelle. Secondement, la croyance des autres ne serait ainsi jamais remise en cause, car nul ne peut nier que Dieu est la condition Sine Qua Non à la survie dans ce monde d’une immense partie de l’Humanité : l’Homme qui ne peut se révolter a besoin de Dieu comme d’un appui, nécessaire pour accepter sa non-compréhension du Monde qui l’entoure. Cela ne fait ni des croyants des êtres inconscients, ni de la religion l’ennemi de la Vérité : la religion doit être vue comme une nécessité temporaire à l’équilibre du Monde, pas une finalité en soi, mais une condition immuable aujourd’hui, ne pouvant être vraiment effacée.

J’ai honte à entendre le discours de certains « radicaux » athées – ou apparentés. Ceux-ci qui veulent l’éradication pure et simple de la religion. Ceci, je l’apparenterais à de l’eugénisme intellectuel et spirituel. L’existence de la foi et la libre appartenance à une religion fait partie des libertés fondamentales ; vouloir les supprimer est une pensée anti-démocratique. De plus, l’antithéisme basique n’est rien de plus qu’un intégrisme. Il faut fuir tout intégrisme athée, celui-ci est tout aussi dangereux que n’importe quel intégrisme. Quant à la religion, l'athée doit se refuser à tout a-priori sur celle-ci : généraliser pour enfoncer la religion est un usage honteux de la démagogie et du mensonge. Je connais les horreurs des croisades et de guerres de religion, mais je ne saurai admettre que ceci est dû à la religion en elle-même : en revanche, l'interprétation des textes induisant ces crimes se doit d'être rejetée et condamnée - mais en rien la religion elle-même.


Mon cas est celui de nombreuses personnes : baptisé de naissance, ou pendant l’enfance, c’est comme si j’avais donné une partie de mon âme au Monde religieux. De ce constat découle ma définition de l’athéisme : l’athéisme doit avant tout être vu comme une quête, une recherche d’équilibre sans la nécessité d’un Dieu pour nous soutenir. Comme un funambule, l’athée doit refuser progressivement l’aide du fil d’Ariane divin pour trouver en son propre athéisme la stabilité et la hargne nécessaire pour se dire : « je peux vivre sans Lui ». L’athéisme ne s’acquiert pas d’une minute à l’autre : on le gagne à cultiver sa connaissance religieuse d’une part – car refuser de connaître l’Histoire des religions est une grande perte pour sa culture et pour soi-même – et à se découvrir soi-même, dans ses défauts, ses difficultés, pour trouver une stabilité propre et vitale. Nous naissons tous avec Dieu, même de parents athées, même sans baptême ; toute ma vie, je m’engage dans une progressive débaptisation spirituelle, jusqu’au jour où, enfin, je serais prêt à vivre seul.

L’athéisme doit aussi renier tout esprit communautaire. Je parlerai d’athéisme anarchique ; la formule est belle mais ne résume pas tout : même s’il est nécessaire de parler ensemble pour l’expression de l’opinion athée, il faut refuser tout communautarisme. Les athées ne sont pas un groupe, ceci rendrait leur non-croyance « sectaire ». Il faut refuser de parler au nom des athées. Les athées sont une addition de pensées plus ou moins convergentes, mais en rien une communauté de pensées. Et s’il est nécessaire parfois de se regrouper pour s’exprimer, l’athée doit avant tout fuir tout athéisme « de masse ». Je lutte contre l’individualisme, mais ici, je préconise un individualisme dans ses convictions ; le renier serait déjà religieux. A chacun son athéisme, nul ne peut prétendre résumer celui des autres. De ceci émanera une véritable liberté spirituelle.

 

Ainsi pourrais-je résumer mon athéisme : il est avant tout tolérance, il est doute, il est difficile, immanent à l’existence absurde. Et, avant toute chose, il ne vaut pas mieux qu’une religion. En aucun cas.



II.

Cet aveu, celui de son athéisme, n’est en rien un glas, un abandon, une fin en soi. Ce refus face à la religion peut paraître extrêmement déstructurant, il implique la perte de nombreux repères et principes édictés par la conscience religieuse. Aussi, passé ce stade d’acceptation de son athéisme, faut-il trouver de nouveaux repères, de nouveaux idéaux sur lesquels poser les bases de sa nouvelle vie.

 

Car la liberté – l’immense liberté, bourdonnante et grisante – offerte à l’athée lui offre en contrepartie la solitude et la tentation du nihilisme le pire – celui qui l’éloignerait de toute vision si infime soit-elle de morale, de même que Staline, face à la liberté qui lui était offerte, sombra dans les travers scabreux du totalitarisme. Ce ne sont pas des contraintes qu’il se faut imposer, ce ne sont pas des règles ; ce sont de véritables principes, car nul ne nous forceras à les accepter tel quel, sauf notre propre conscience.

 

Oui, c’est notre conscience humaniste qui nous sauvera du gouffre offert par l’absence de limites morales. L’athée doit lui-même se pencher sur les limites qu’il doit s’imposer. Et certainement découvrira-t-il que les principes des religions sont en grande partie recyclables.

 

J’invite donc l’athée à chercher sa morale dans les débris non de son antique croyance, mais des principes qui y étaient attachés. Relire la table de lois, relire les commandements, relire les textes, avec l’œil critique de l’Homme libre. Il doit refuser de lui-même le meurtre, l’infamie envers ses semblables, ce qui pourrait porter préjudice à l’Humanité. Les règles religieuses sont souvent portées par cette volonté humaniste ; l’athée doit donc reprendre ces règles et les passer au tamis de son propre Humanisme, en se posant à chaque fois la question : est-ce pour le bien de l’autre ? Nombre de ses décisions recouperont celles des lois religieuses ; mais cette relecture des textes doit l’amener à rejeter de lui-même les incohérences que la religion a avec son propre humanisme. C’est bien à un tri intelligent et libre que j’invite le nouvel athée.

 

Mais jamais l’athée ne doit oublier sa propre liberté : il n’est soumis qu’à sa conscience humaniste, à l’œil juge de sa future essence et à celui des générations suivantes qui la liront. Cette liberté l’est vis-à-vis des autres athées : ne jamais perdre des yeux que l’athée n’est pas l’individu du groupe athée, mais il est son athéisme, il le défend et en choisit les règles sans l’imposer ni se faire influencer par celui des autres.

 

La nouvelle morale édictée par l’individu, bien que porteuse d’une grande part de liberté, il doit s’y tenir : sa liberté ne saurait souffrir des transgressions de principes. Garder un œil sur sa morale est tout simplement un fondement de cette liberté, elle la garantie et la justifie.

 

Il me faut dire un mot sur la laïcité au sens large : non comme une base républicaine limitée à la politique, mais comme un mot prenant tout son sens appliqué à toute décision morale, politique, etc. : au nom de la tolérance détaillée dans la première partie de cet essai, l’athée applique la laïcité à tous ses choix en refusant l’interaction de ses conceptions spirituelles dans ses décisions. C’est le prix non seulement de l’objectivité – et donc d’une portion d’égalité – mais aussi de toutes les libertés : spirituel et politique, morale, justice doivent être clairement séparés.

 

Ce que je voudrais résumer de cet essai, c’est que l’athéisme n’est pas une conviction refermée sur elle-même : elle implique une construction de la part de l’athée, une recherche personnelle et intérieure, et si elle est garante de libertés, elle doit se garder de sombrer dans le nihilisme moral en abjurant tout principe. S’il n’est pas de Dieu pour vous regarder, votre conscience, elle, ne vous épargnera pas.

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